Samuel
Je restai là, dans l’ombre, observant Damien Rousseau. Chaque mouvement qu'il faisait était une promesse de réponse, une promesse que, finalement, cette rencontre serait la clé qui ouvrirait la porte à la vérité. Ses yeux, sombres et perçants, balayaient la pièce avec une attention presque malade. Il était conscient de tout, mais il ne semblait pas me remarquer. Il était un homme qui vivait dans l’ombre, qui portait une lourde histoire sur ses épaules.
Je pris une longue inspiration et me levai, en me glissant entre les tables. Ma main effleura la poche de mon manteau, où le carnet d'Alexandre reposait comme un poids supplémentaire, une relique que je n'osais plus regarder. J’étais là pour une autre raison, et il n'était pas question de me laisser distraire. Le rendez-vous était fixé. À 22h. Et je devais être là, face à lui, en temps et en heure.
Damien ne remarqua pas mon approche tout de suite. Je m’assis à une table proche du comptoir, de façon à ne pas attirer l'attention, mais assez près pour l'entendre. Le barman, un homme d'une quarantaine d'années, s'occupait de quelques verres à la fin du comptoir, jetant de temps en temps un regard furtif vers Damien. Le bar semblait presque désert, une scène idéale pour ce genre de rencontre secrète.
Je pris un verre d’eau pour masquer ma nervosité. Chaque seconde passée dans cet endroit me semblait peser sur mes épaules. Tout à coup, la porte s’ouvrit, et un autre homme entra, grand et mince, avec une démarche assurée. Il s’approcha de Damien, et sans un mot, ils se saluèrent d'un simple hochement de tête.
Je me tendis, mon esprit se focalisant sur la conversation à venir. Ce n’était plus une question de suivre Alexandre dans ses habitudes. C'était désormais une question de survie. Si je voulais obtenir des informations sur la mort de mon frère, je devais savoir comment naviguer dans ce monde d'ombres et de mensonges.
Ils échangèrent quelques paroles, trop bas pour que je puisse entendre, mais leurs gestes étaient assez clairs : ils n’étaient pas là pour discuter de choses anodines. Puis, Damien fit un geste du doigt pour inviter l'autre homme à s’installer à sa table. Je n'avais plus le choix. Il fallait que je les approche.
Je me levai lentement, faisant mine de me diriger vers les toilettes, mais en réalité, je contournais discrètement le comptoir. J'approchai de leur table, maintenant assez près pour entendre leurs murmures. Leurs voix étaient basses, mais je pouvais discerner quelques mots. "Opération", "retard", "protection". Un mot me frappa particulièrement : "désistement". Que signifiait-il ? Et pourquoi mon frère avait-il pris part à cette conversation ? Je n'en savais rien, mais quelque chose m’indiquait que ces mots n’étaient pas anodins.
Je m’approchai encore un peu plus, et cette fois, Damien tourna lentement la tête vers moi, ses yeux noirs se posant sur moi avec une précision meurtrière. Il n’avait pas besoin de dire un mot pour comprendre qu’il savait que je n’étais pas là par hasard.
— "Tu cherches quelque chose ?" Sa voix était rauque, presque un murmure, mais perçante, emplie d'une menace invisible.
Mon cœur s’accéléra. L’adrénaline m’envahit instantanément. Je voulais paraître calme, mais je savais que je n'étais qu'un imposteur. Je n’étais pas Alexandre, et il savait, quelque part, que je n’étais pas ce qu’il attendait. Mais j'avais une chance. Une chance que j'allais saisir.
Je pris une profonde inspiration, et je lui répondis, avec une voix aussi posée que possible :
— "Je suis… je suis ici pour discuter de notre… de notre dernière rencontre." Je me sentais idiot, mais c’était le seul lien que je pouvais établir.
Un sourire fin se dessina sur les lèvres de Damien. Il me regarda un moment, son regard scrutant le moindre de mes mouvements. Puis il fit un signe de la main pour m’inviter à m'asseoir. Je pris place, ne le quittant pas des yeux. L'autre homme, visiblement irrité par cette intrusion, se leva et se dirigea vers la sortie, mais Damien ne sembla pas s'en préoccuper. Il se concentra uniquement sur moi.
— "Notre dernière rencontre ?" répéta-t-il, sa voix plus basse encore. "Et qui es-tu, exactement ?"
Le mensonge me brûlait les lèvres, mais je n’avais pas le temps de réfléchir à une meilleure réponse. Je devais rester dans le personnage.
— "Alexandre," répondis-je, en espérant qu'il ne remarquerait pas la tremblement dans ma voix. "Je suis… Alexandre."
Il me fixa un instant, sans sourire, les yeux plongés dans les miens comme s’il essayait de lire dans mon âme. Ses yeux sombres étaient plus perçants que jamais. Finalement, il pencha légèrement la tête.
— "Alexandre, hein ?" murmura-t-il. "Tu es plus jeune que lui. Ou plus nerveux. Ou les deux, je suppose." Il posa ses mains sur la table, lentement, avant d'ajouter : "Je pense que tu viens de loin. Mais tu cherches quelque chose, n’est-ce pas ?"
Je n'avais aucune idée de la direction que cette conversation allait prendre. Chaque seconde passée avec lui me rapprochait d'un abîme dont je ne savais rien. Pourtant, je me forçai à garder mon calme. Je n'avais pas le choix. Je devais comprendre ce qui se passait. Je devais savoir qui était impliqué dans la mort d'Alexandre.
— "Je veux comprendre ce qui est arrivé à mon frère," dis-je enfin, en osant défier son regard. "Je sais que vous étiez… liés. Vous et lui. Et je sais qu’il a fait quelque chose de dangereux."
Un silence lourd s’abattit sur la table. Damien ne répondit pas immédiatement. Il me fixa avec une intensité glaciale, et je sentis la tension augmenter dans l'air autour de nous.
Puis, après un long moment, il se pencha lentement en avant, ses lèvres effleurant presque mon oreille.
— "Tu veux la vérité, Alexandre ?" dit-il doucement. "Sois prêt à l’accepter, parce que ce que tu vas découvrir… c’est au-delà de tout ce que tu imagines."
Je frissonnai. C’était le début. Mais le début de quoi, exactement ?
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