Chapitre 8 : Le Sombre Labyrinthe

Le Sombre Labyrinthe

Je quittai le bar, le bruit de mes pas résonnant dans la ruelle déserte. L’air frais de la nuit me frappait le visage comme un coup de fouet, me ramenant brusquement à la réalité. Le monde semblait s’être élargi, comme un labyrinthe dont je ne connaissais pas encore les recoins. J’avais appris des choses, certes, mais pas assez. Luca Vallon. Un nom dont la simple évocation m’inquiétait. Un homme dont le pouvoir semblait infini, et qui m’échappait déjà, bien que je ne fusse qu’au début de cette recherche.

Damien m’avait laissé dans un état de confusion presque total. Il n’avait pas tout dit, bien sûr. Il ne m’avait pas donné toutes les pièces du puzzle. Mais il m’avait ouvert une porte, et j’étais désormais incapable de faire demi-tour. L’idée que mon frère ait pu se retrouver dans une situation si périlleuse, qu’il ait cherché à stopper un homme comme Vallon, me perturbait au plus haut point. Pourquoi lui ? Pourquoi pas quelqu’un d'autre ?

Je rentrai dans l'appartement d'Alexandre avec une rapidité mécanique, comme si je n’avais plus de conscience de mon corps. Clara et Lucas n’étaient toujours pas rentrés. Je me retrouvai dans le salon, seul avec mes pensées. Le carnet d'Alexandre reposait sur la table basse. Je l'avais rangé précipitamment dans ma veste avant de quitter le bar, comme un talisman, une preuve que tout ceci n'était pas un rêve. C'était la réalité. La dure réalité.

Je m’assis à la table, le carnet ouvert devant moi. Mes doigts parcouraient les pages, une fois de plus. Chaque mot, chaque croquis de mon frère, semblait maintenant avoir un poids différent. Il avait essayé de rassembler les pièces de ce puzzle, mais il était allé trop loin. Trop vite. Et ce foutu Luca Vallon était peut-être la clé de tout.

Je me sentais coincé. J'avais une piste, mais c'était une piste périlleuse, semée d'embûches, et je n'avais aucun plan. Aucun guide. Juste une volonté de trouver des réponses. Et peu importe où cela me mènerait.

Soudain, une sonnerie retentit, me sortant de mes pensées. Clara. Elle et Lucas étaient de retour. Mon cœur s’emballa. J’avais l'impression que chaque seconde passée dans ce rôle de frère jumeau me rapprochait un peu plus d’une catastrophe. Mais je n'avais pas le choix. J’étais pris dans le tourbillon des événements.

Je me levai rapidement, fermant le carnet et le rangeant dans un tiroir. Un bruit de pas. Clara entra dans la pièce, son visage marqué par la fatigue, mais toujours aussi belle. Lucas courut vers moi, les bras ouverts, comme s’il n’avait pas conscience de ce qui se passait réellement autour de lui. Je me forçai à sourire, à lui rendre son étreinte, mais c’était un sourire vide, sans âme.

— "Salut, papa !" s’écria Lucas, le regard brillant d'excitation. "On a pris un goûter en rentrant, et on a vu un chien tout mignon dans la rue !"

Je le pris dans mes bras, bien que chaque mouvement me semblait plus faux que le précédent. Clara s'approcha, m’embrassant sur la joue. Tout cela me semblait irréel. Comment allais-je pouvoir continuer à jouer ce rôle ? Comment allais-je pouvoir affronter ce monde de secrets tout en prétendant être quelqu’un que je n'étais pas ?

— "Tout va bien, Alexandre ?" demanda Clara, en me scrutant de ses yeux perçants. "Tu as l’air un peu fatigué."

Je me forçai à hocher la tête.

— "Oui, c’est juste que j’ai eu une journée un peu longue," mentis-je, avec un sourire rassurant. "Mais tout va bien. Ne t’inquiète pas."

Elle sembla hésiter un instant, comme si elle voulait en savoir plus, mais elle se contenta de poser son sac sur la table.

— "Si tu veux, on peut prendre un moment pour discuter ce soir. Lucas et moi, on est là." Elle me regarda avec douceur. "Je sais que ça a été difficile pour toi ces derniers jours."

Difficile. Ce mot, je le comprenais désormais. Mais ce n’était pas difficile dans le sens où elle l’entendait. C’était un tourbillon. Un maelström dans lequel je me noyais peu à peu. Et plus je restais dans cet appartement, plus je sentais que la vérité m’échappait. Je ne pouvais pas continuer à vivre ainsi, à jouer ce rôle, sans savoir ce qui s'était réellement passé.

— "Oui, tu as raison," répondis-je, tout en regardant Lucas courir dans le salon pour jouer à un jeu vidéo. "Ce soir, on en parlera. Mais pour l'instant, laisse-moi juste… souffler un peu."

Clara me sourit, puis se dirigea vers la cuisine. Je me sentais comme un imposteur. J’avais l'impression de devenir de plus en plus Alexandre à chaque minute, mais cette transformation me dévorait. Chaque sourire que je lançais à Clara, chaque mot que je prononçais pour Lucas me semblait de plus en plus étranger.

Alors que Clara préparait le dîner, je jetai un coup d’œil furtif au carnet d'Alexandre que j’avais rangé dans le tiroir. La tentation était immense. Je savais qu’il y avait encore des informations cruciales à l’intérieur. Mais j’étais aussi conscient que fouiller davantage dans ses affaires m’entraînait de plus en plus profondément dans un monde d’ombres. Ce monde de Luca Vallon.

Et soudain, une idée me traversa l'esprit. Une idée que j'avais d’abord écartée, mais qui, à ce moment-là, semblait être la seule solution viable. Et si je n’étais pas seul dans cette quête ? Si Alexandre avait eu des alliés, des personnes qui savaient ce qu’il faisait, et qui pouvaient m’aider à comprendre ce qu’il avait découvert ?

Je pris une décision. Je devais retrouver cette personne, cette mystérieuse alliée qu’Alexandre avait mentionnée dans ses notes. Il y avait un nom, une adresse. Peut-être que cette personne pourrait m’apporter des réponses. Peut-être même plus que Damien ne l’avait fait.

Mais pour cela, il me faudrait encore plus de courage. Et un peu de chance.

Je me levai, déterminé. Ce soir-là, je n’étais plus qu’à un pas du véritable début de l’enquête. Et peu importe ce que cela impliquerait, je devais savoir.