Une vie
Jeanne, ayant fini ses malles, s’approcha de la fenêtre, mais la pluie ne cessait pas.L’averse, toute la nuit, avait sonné contre les carreaux et les toits. Le ciel, bas et chargé d’eau, semblait crevé, se vidant sur la terre, la délayant en bouillie, la fondant comme du sucre. Des rafales passaient, pleines d’une chaleur lourde. Le ronflement des ruisseaux débordés emplissait les rues désertes où les maisons, comme des éponges, buvaient l’humidité qui pénétrait au-dedans et faisait suer les murs de la cave au grenier.Jeanne, sortie la veille du couvent, libre enfin pour toujours, prête à saisir tous les bonheurs de la vie dont elle rêvait depuis si longtemps, craignait que son père hésitât à partir si le temps ne s’éclaircissait pas, et pour la centième fois depuis le matin elle interrogeait l’horizon.
Unfold
Alors elle ne sortit plus, elle ne remua plus. Elle se levait chaque matin à la même heure, regardait le temps par sa fenêtre, puis descendait s’asseoir devant le feu dans la salle.
Elle restait là des jours entiers, immobile, les yeux plantés sur la flamme, laissant aller à l’aventure ses lamentables pensées et suivant le……
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